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Mélanine

Poésie

Mélanine est une femme
Une femme pas comme les autres,
Veilleuse et mère du monde
La sève nourricière,
Le début et la fin du monde

Mélanine est une femme ensevelie
Ensevelie dans les abîmes de l’histoire
L’histoire racontée par l’autre
Que ceux qui disent que Mélanine n’a pas d’histoire
Sachent qu’elle est le début et la fin de l’histoire
Elle est l’histoire

Mélanine est un homme
Un homme enlevé à sa terre et déporté en Amérique
Un homme nu, enchaîné, traversant les eaux et les glaces pour retrouver les champs de coton
d’Amérique
Un homme arraché à sa mère par l’histoire
L’histoire racontée par l’autre

Mélanine est un enfant aussi
Un garçon ou une fille
Né sous le soleil et dont le premier cri roule comme le son strident du tambour annonçant au monde le message envoyé par l’invisible
Le monde des ancêtres

L’enfant explosé pendant son rêve au nom d’une démocratie au goût amer
Mélanine c’est regarder son fils droit dans les yeux

Et lui dire qu’il connaîtra le nom du Père, du fils et du saint esprit mais pas celui de ses ancêtres
Ces ancêtres effacés par l’histoire,
L’histoire racontée par l’autre

Mélanine c’est un cri, le cri du fils du maquisard devant ces assassins : « Ne tirez pas s’il vous plaît ! »
Mélanine c’est une voix, la voix de la femme du capitaine : « Ne le tuez pas s’il vous plaît ! »
Mélanine c’est un souffle, le souffle brûlé par le soleil des indépendances
Mélanine c’est nous tous, rescapés de la falsification de l’histoire, de l’assassinat de l’histoire sur le
temple de l’impérialisme
Mélanine c’est l’histoire
L’histoire racontée par l’autre

Mélanine, n’écoute plus ces histoires trafiquées à leur vision
Ferme l’oreille à ces louanges qui t’aveuglent
Ignore ces leçons qui t’immobilisent
Laisse jaillir ces voix qui résonnent en toi
Incarne ton histoire Raconte ton histoire
Chante ton histoire
Danse ton histoire

Mélanine c’est moi aujourd’hui vous racontant l’histoire du sang qui trottine dans mes veines
L’histoire des rêves qui conjuguent mon souffle
Mélanine c’est moi aujourd’hui avec cette peau héritée de mon père, qui lui-même l’a héritée de son
père

Pourquoi te renies-tu, Mélanine ?
Oui, l’histoire t’a volé quatre cent ans
Oui, l’histoire a brouillé ton souffle
Oui, l’histoire a ruiné ta terre
Mais aujourd’hui tu es debout
Pleinement debout
Fièrement debout
Phénoménalement debout

Plus que jamais debout.